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Photo du rédacteurRaluca Belandry

Un certain état

L'écriture est affaire de ton.

Un livre, une histoire nous tiennent ou nous lâchent selon leur ton. Le style revient à se relier de manière cohérente au ton. Pouvant déranger, envoûter, susciter, répugner - ils sont là pour injecter un certain état qui déplace celui qui lit.

J'ai toujours été sensible aux écritures qui forcent ce déplacement. Parfois jetée dans le noir absolu, dans un lieu désert, dans des situations absconses, j'ai ressenti l'appel vers des sphères inconnues et improbables - la cause du déplacement. Perdre les repères du réel, devoir en réinventer - créer soi-même en lisant, à partir du brouillon de l'écrivain.


Un livre qui déplace est un livre à garder, pour le reprendre. C'est celui qui ne s'épuisera pas, qui ne donnera pas tous ses secrets mais obligera celui qui l'attrape à y revenir sans cesse. Enivrés par le mystère des mots - cette incompréhension créatrice qui génère de la beauté - poussés par l'étonnement, nous participons d'une création commune. Lecteur et écrivain ne font qu'un.


J'appelle cela art. J'appelle cela magie. Et la littérature, cabale. Je suis très tôt tombée dans la cabale de Shakespeare, Blake, Goethe, Kierkegaard, Dostoïevski, Borges, Lorrain, Gracq, Bataille, Cioran, Perse... Ils forment ensemble la porte de mon château.


- R.B.



Image : Ferdinand Knab - La Porte du chateau (1881)




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